Enquête publique "Vazzio Bis" : Avis défavorable de l’association Aria Linda.
Enquête publique unique
https://www.registre-dematerialise.fr/1065
AJACCIO : projet de construction et d’exploitation d’une centrale de production d’électricité à cycle combiné de 250 MW sur le territoire de la commune
Observations de l’association Aria Linda
(Versées au registre dématérialisé d’enquête publique)
1) Crédibilité du dossier
Considérant que l’Etat, actionnaire majoritaire d’EDF, est l’unique décideur pour les moyens de production de puissance supérieure à 8 MW,
Considérant l’annonce du préfet LEYRIT, le 21/12/2007 concernant le remplacement de l’actuelle centrale du Vazzio alimentée au fioul lourd, par une centrale diesel du même type alimentée au fioul lourd,
Considérant l’annonce du préfet BOUILLON , qui avait affirmé à la représentation politique insulaire le 02/02/2010, "Ce sera une centrale au gaz et rien d’autre". Tout en déclarant l’utilité publique d’une telle centrale au gaz mais pas celle de son corollaire, l’alimentation au gaz.
Considérant le protocole d’accord signé le 12/12/2016 entre l’Etat représenté par la Ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, Ségolène Royal, et la Collectivité territoriale de Corse représentée par le Président du Conseil Exécutif de Corse, Gilles Simeoni qui:
• confirme l’objectif que la nouvelle centrale du Vazzio fonctionnera directement au gaz naturel lors de sa mise en service en 2023, sans phase transitoire au fuel léger;
• réaffirme que la solution pour amener le gaz naturel en Corse sera constituée d’une installation de livraison maritime du gaz au large de Lucciana, puis d’une canalisation terrestre entre les centrales électriques de Lucciana et du Vazzio;
• précise que l’appel d’offres pour la réalisation de l’infrastructure gazière sera lancé en février 2017, sur la base des résultats de l’étude technico-économique réalisée par EDF.
Considérant les retards de la procédure de dialogue concurrentiel (cf Décret n° 2016-1129 du 17 août 2016 relatif à la procédure de dialogue concurrentiel pour les installations de production d’électricité) lancée par l’Etat le 20/03/2017 en vue de l’alimentation des centrales de Corse au gaz naturel, et les raisons avancées par les représentants de l’Etat en Corse pour tenter d’expliquer ces retards,
Considérant la position exprimée par le ministre Nicolas HULOT lors de sa venue en Corse et celle exprimée par la directrice de la DGEC le 29 mai 2018 à la préfecture de Haute Corse, s’appuyant notamment sur une surévaluation des difficultés à maitriser le foncier sur le tracé du gazoduc,
Considérant le rapport de la CRE en date du 05/07/2018 « Expertise portant sur la PPE Corse », qui indique notamment, entre autres arguments, que l’augmentation de la part de l’interconnexion* permettrait d’éviter la construction de la centrale dite Ricanto
* Le niveau maximum d’interconnexion admis par l’UE, et qui permet à EDF de continuer à bénéficier du statut de ZNI, est au maximum de 5% de la part totale de l’électricité produite pour la consommation corse. Le niveau d’interconnexion de la Corse était déjà bien au-delà du seuil dérogatoire, et le sera encore davantage.
Considérant la position exprimée par le ministre Nicolas HULOT dans son courrier du 27/08/2018 adressé au Président de l’Exécutif ouvrant, hors du champ de la procédure de dialogue concurrentiel, de nouvelles pistes de réflexion de nature à rallonger la prise de décision. Tout en brisant le consensus politique sur la solution barge + gazoduc,
Considérant l’avis délibéré de l’autorité environnementale n° 2018-65 daté du 24 octobre 2018 qui revient sur l’adéquation aux besoins d’une centrale de 250 MW pour remplacer une centrale de 132 MW, alors que celle-ci est prévue par la PPE Corse. (Le premier territoire à s’être doté d’une Programmation Pluriannuelle de l’Energie !)
Considérant que l’atteinte des objectifs du SRCAE, inscrits dans la PPE Corse, notamment l’autonomie énergétique en 2050, dépend majoritairement d’une réduction de la consommation d’un bâti énergivore et que le financement des travaux nécessaires n’est pas assuré,
Considérant comme rédhibitoire pour la CRE l’inflation galopante appliquée au coût de réalisation de la future centrale (compensation de la réduction de la période d’exploitation escomptée ?) et le taux de rémunération de 11 % accordé aux seules installations de production.
Considérant que l’orthodoxie appliquée à la Corse contraste avec l’hétérodoxie dont bénéficient, dans l’hexagone, de très dispendieux équipements nucléaires, comme les EPR.
Considérant enfin que le taux de rémunération de 11 % n’est pas prévu ni pour l’ouvrage de transport de gaz, ni pour l’ouvrage de stockage de gaz pourtant objets de la procédure de dialogue concurrentiel.
2) Impact sur l’Environnement
La puissance de la centrale dite Ricanto à 250 MW (doublement par rapport au Vazzio) est contradictoire avec une stratégie de diminution du recours aux énergies fossiles, cela n’incitera pas à développer les ENR. Par ailleurs les prévisions de demande en électricité ne correspondent plus à la tendance lorsque la demande augmentait de 3% par an, on se situe aujourd’hui autour de 2 200 GWh au même niveau qu’en 2008. Avec une politique efficace de Maîtrise de la Demande d’Électricité (MDE) et en intégrant la croissance démographique, les projections EDF donnent pour 2030 une consommation de 2 429 GWh soit une croissance de 10,40 % sur 15 ans, soit 0,7 %/an loin de l’augmentation de plus de 3%/an autour de 2005.
Ce qui conduit la CRE à envisager de revoir l’aide au stockage d’électricité face à une centrale qui lui semble surdimensionnée. Une position contradictoire avec le développement prévu et souhaité des ENR et la possibilité de dépasser le seuil de 30 %.
La Directive européenne 2012/27/UE oblige à l’étude de faisabilité d’un réseau de chaleur pour toute installation supérieure à 20 MW. Le Décret n° 2014-1363 du 14 novembre 2014 transpose en droit français l’article 14.5 de la directive 2012/27/UE relatif au raccordement d’installations productrices d’énergie fatale à des réseaux de chaleur ou de froid. Par chance, ou après un lobbying efficace, les installations de production d’électricité sont dispensées par dérogation de cette obligation. Même si la loi ne le prévoit pas, dans le contexte actuel, dans l’esprit de la transition énergétique, ne serait-il pas logique qu’EDF fasse une telle étude ?
Dans aucun document il n’est mentionné de périmètre d’exclusion d’activités nautiques et sous-marine de loisirs dans une zone de baignade très fréquentée l’été. La centrale EDF de Martigues-Ponteau par exemple fonctionnant en cycle combiné au gaz, dispose d’une telle zone d’exclusion. Les documents fournis ne mentionnent qu’une zone d’exclusion pendant la durée des travaux.
Les pêcheurs familiers du lieu affirment que les prises d’eau seront confrontées à un fort risque d’ensablement en raison de la courantologie du lieu.
La chloration en continu des canalisations en mer rejettera du bromoforme toxique dans le milieu marin, les avis joints à l’EUP jugent ce rejet sans danger pour le milieu. C’est à démontrer. La tierce expertise menée par l’Ifremer du 7 août et 6 novembre 2018 est très prudente dans ses conclusions, elle se réfère à une recherche bibliographique tout en précisant que ce n’est pas son avis ! Les données sur les bromoformes et autres dérivés de l’électro-chloration en milieu marin manquent. L’Ifremer propose de les étudier. Toutefois il n’existe pas d’avis arrêté sur l’absence de toxicité.
Par le passé, nombre de substances déclarées inoffensives se sont avérées par la suite toxiques.
Il n’est précisé nulle part que les eaux de refroidissement rejetées contiendront sans doute du cuivre et du zinc, ni en quelle quantité ?
EDF SEI Corse reçoit 300 millions d’Euros/an pour compenser le surcoût de production de l’électricité dans l’île. Cette compensation provient de la CSPE prélevée sur la facture de chaque client, répondant au principe de la solidarité nationale. Cette compensation est une sorte de prime à la pollution alors que cet argent aurait été mieux employé à l’isolation des habitations, à la suppression progressive des cumulus électriques. La CRE (Commission de régulation de l’énergie) envisage à terme la disparition d’un tarif unique de l’électricité, ce qui se traduira en Corse par une hausse des factures.
Avec le système de compensation tarifaire par la CSPE, EDF n’a eu aucun intérêt à développer une production électrique plus performante et moins polluante. Il aura fallu la fin du système dérogatoire en 2023 pour que l’abandon de l’exploitation au fioul lourd de la nouvelle centrale soit envisagé.
3) Impact sur la santé.
Considérant le refus de la population de subir la reconduction de moyens de production thermiques alimentés au fioul, notamment en raison de l’impact sanitaire d’émissions gazeuses issues de la combustion du fioul (microparticules) classées cancérigènes par l’OMS,
Considérant la réduction de la hauteur des cheminées et donc l’émission du panache de la centrale au plus près de la population, dans une zone où la courantologie ne permet pas une bonne dispersion et dilution des polluants,
Considérant les préoccupations au niveau de la surveillance de la qualité de l’air exprimées par le courrier du 28/04/2017 que le directeur de la DREAL a adressé à EDF et à Qualitair Corse, relatif au proche périmètre de l’actuelle centrale, et donc de la future centrale, dans un secteur qui « connait un fort développement avec une zone commerciale et un projet de route. J’ajouterai également que des personnes que l’on pourrait qualifier de sensibles seront prochainement présentes dans cette zone avec les créations en cours du nouvel hôpital d’Ajaccio, d’immeuble d’habitation et d’un collège. Il est également évoqué un projet de crèche. »
Considérant les analyses réalisées à partir de prélèvements de cheveux de vingt individus de la région d’Ajaccio en 2017 qui indiquent la présence de métaux lourds caractéristiques de la combustion du fioul,
Avis unique défavorable de l’association Aria Linda
Les indicateurs évoqués en termes de crédibilité du dossier phagocytent la volonté de l’Etat, de réaliser une centrale thermique qui serait alimentée au gaz naturel dès sa mise en service prévue en 2023.
Ce constat est renforcé par l’ouverture d’un débat sur la justification de la puissance de la future centrale. Ce qui préfigure un débat sur la justification de son alimentation en gaz.
Or, en retard ou en l’absence de gaz naturel, comme l’a confirmé le PDG d’EDF le 10/10/2017 devant l’Assemblée de Corse, la future centrale ne pourrait que fonctionner au fioul. Ad vitam aeternam.
Le projet comporte donc des risques pour la santé de la population, et de surcroit, n’est pas conforme aux objectifs environnementaux de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
L’association Aria Linda émet donc un avis unique défavorable à :
– la demande d’autorisation environnementale concernant le projet de construction d’une centrale de production d’électricité à cycle combiné de 250 MW, fonctionnant au gaz naturel et compatible au FOD en mode de secours, sur le territoire de la commune d’Ajaccio ;
– la demande de concession d’utilisation du domaine public maritime, destinée à l’implantation et à l’exploitation des canalisations de prise d’eau et de rejet en mer dans la baie du Ricanto, servant au refroidissement de la centrale.
Cuttoli Corticchiato, le 28/01/2019
Jean Nicolas ANTONIOTTI