Corse: modèle environnemental où l’on peut polluer plus, pour gagner plus.

Corse: modèle environnemental où l’on peut polluer plus, pour gagner plus.

Un article du Journal de la Corse du 2 au 8 mai 2008, donne la parole au jeune directeur d’EDF, M BUSIN. Cet article véhiculant des informations incomplètes, erronées et des non-dits nécessite un droit de réponse que nous allons demander.
 
Tout d’abord, une précision : La mobilisation est plus que populaire puisque, sans clivages, des élus de tous bords y participent et soutiennent activement nos démarches.
 
En gras dans l’article, une information qui nous est inconnue :

« le ministère de l’industrie a entendu les craintes de l’opinion publique et a décidé de surseoir à l’implantation le temps d’effectuer des analyses environnementales, épidémiologiques et sanitaires »  Le préfet a bien annoncé, le 4 janvier 2008, la mise en place de commissions auxquelles nous lui avons demandé de participer, mais à ce jour nous n’avons aucune information relative à une quelconque analyse en cours.
 
Parlant notamment de la construction du barrage du RIZZANESE, du remplacement des  centrales de LUCCIANA, et du VAZZIO, M BUSIN commente : «si chacune de ces étapes se concrétise, on obtient un système électrique correctement dimensionné répondant aux besoins de la population insulaire ». Dans la bouche du plus haut représentant d’EDF dans l’île, cette phrase au conditionnel est assez révélatrice puisqu’ EDF a l’entière maîtrise de ces réalisations dont les deux premières sont déjà très en retard.
 
Dans un autre article, le jeune directeur tirait tout le profit de la mobilisation anti VAZZIO Bis venue à point nommé jouer le rôle de l’arbre qui cache la forêt, et il désignait les boucs émissaires d’une inévitable rupture énergétique qui permettrait en fait l’application des articles 11 et 12 de la délibération 05/225. Autrement dit, le recours au câble.
 
Non, M BUSIN, le retard au remplacement de la centrale de LUCCIANA n’est imputable ni au préfet, ni à une association. Et ce retard s’ajoutant à celui du RIZZANESE suffira à déséquilibrer le système électrique si la demande continue à s’accroitre.
 
L’autosatisfaction affichée sur le bon dimensionnement et l’adéquation des moyens de production est-elle fondée ?
 
Pas vraiment, en réalité les centrales de Corse ont été surdimensionnées (malgré les préconisations de limitation dans le rapport LETEURTROIS de 2005) pour répondre notamment aux besoins croissants du 3 eme bassin de vie de la Corse, à savoir Porto-Vecchio et son agglomération proche. Le dimensionnement ne répond donc pas uniquement aux seuls besoins de la population insulaire, et le surcroit de puissance servira davantage à alimenter les besoins estivaux de climatisation. C’est ce que M BUSIN appelle "répondre exactement aux exigences d’une ile touristique comme la Corse et les Canaries " (Sauf que dans les Canaries, ENDESA, équivalent d’EDF en Espagne, installe des TGCC pour répondre aux mêmes besoins.)
 
En effet, les hivers doux et les étés très chauds, que le réchauffement climatique occasionne, génèrent des pointes de consommation estivales au moins égales aux hivernales. Et cette tendance ne peut qu’aller crescendo, puisque le maire de la seule cité du sel envisage de délivrer 300 permis de construire par an.
 
Première entorse aux dogmes d’EDF qui imposeraient de produire au plus près des zones de consommation, pour diminuer les pertes en ligne, et les surconsommations qui en résultent. D’autre part ce surdimensionnement génère un surcroit de pollution pour les populations sédentaires des bassins de vie Ajacciens et Bastiais, dans les périodes les plus chaudes, alors que la pollution est emprisonnée par les masses d’air chaud. Pour le plus grand plaisir de touristes qui respirent le bon air de Palombaghja, ou de la Revelatta.
  
 
Ensuite, M BUSIN allègue que de tous temps la centrale du VAZZIO a été parfaitement réglementaire avec toutes les exigences imposées, notamment environnementales. Cette présentation est fallacieuse. EDF, a en fait, bénéficié en Corse d’une dérogation qui lui a permis de s’affranchir des niveaux d’émissions en vigueur dans le reste de l’hexagone jusqu’au 28 juillet 2005, date à laquelle l’arrêté préfectoral 05-1079 y a mis fin, grâce à l’action des associations. 
 
Puis le jeune directeur capte notre attention en nous vantant la mise en place de filtres et la réduction supposée des émissions d’azote, mais il est moins nettement prolixe au sujet des émissions de particules fines PM 2,5, et autres Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, HAP,  qu’aucun dispositif connu ne sait contenir. C’est là, précisément, que la notion de moteur propre au fuel formée par la réunion des articles 3 et 4 de la délibération 05/225 se révèle gravement trompeuse.
 
Le chimérique moteur propre apparaît dans l’excellent rapport de l’ingénieur LETEURTROIS, actuel M GALSI, qui situe très nettement les responsabilités de la rupture énergétique de 2005. EDiFiant pour ceux qui auraient dû prendre le temps de le lire, avant de voter.
 
 
 
 
Ensuite le jeune directeur continue de donner dans les postulats éculés: « si le prix du KWh de gaz naturel est supérieur aux 15 centimes du KWh de fuel, l’état devra faire un geste ».
 
A le croire, EDF qui est en train de remplacer la vieille centrale au fuel de Martigues (13) par des TGCC, turbines à gaz à cycle combiné, et en installe également à Blénod-Lès-Pont-À-Mousson (54) solliciterait aussi un geste de l’état?
 
 
Pas le moins du monde, car le prix du KWh produit au gaz dont parle M BUSIN doit être celui d’une TAC, turbine à gaz classique au rendement optimum de 35% alors que les TGCC ont un rendement proche de 60%, et EDF l’a bien remarqué puisqu’elle investit dans cette technologie dans l’hexagone. Sauf en Corse.
 
Consommant moins, les TGCC génèrent moins de pollution en volume et beaucoup moins de polluants puisque la combustion du gaz n’émet que très peu de particules fines PM 2,5 contrairement à celle du fuel. Pour finir, les cours de brut subissent actuellement une envolée bien plus importante que ceux du gaz dont le tarissement, compte tenu de la ressource mondiale, interviendrait au moins 50 ans plus tard.
 
Dans l’hexagone, les moyens thermiques au fuel d’EDF encore en fonction ne sont utilisés qu’en pointe et extrême pointe, ce qui veut dire qu’on les réserve pour les pics de consommation et que leur activité est ponctuelle, donc, leur consommation réduite. 
 
Paradoxalement, en Corse, les centrales au fuel sont utilisées en base, c’est-à-dire qu’elles tournent et donc polluent 24h/24h.  Sauf dans les périodes où il faut éviter de trop affoler les capteurs de pollution, lorsqu’ils sont bien placés et qu’ils fonctionnent. A ce sujet, le jeune directeur ne parle pas de l’étude complémentaire de dispersion des polluants demandée par le préfet en 2005, toujours en attente de validation par la DRIRE en 2008. Baccalà per Corsica ! 
  
Du coup, ce sont les barrages qui assurent la pointe en Corse. Deuxième entorse.
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Mais M BUSIN essaye par son discours de nous maintenir sur son terrain de prédilection, alors qu’il existe des solutions alternatives qui permettraient à la Corse de s’affranchir de l’équivalent d’un VAZZIO Bis de 120 MW.  Ainsi la technique des STEP de l’ingénieur Joseph PAOLI permettrait, sous réserve de disposer d’une retenue basse, de stocker la contenance d’une journée de production hydroélectrique en aval du barrage après turbinage, et de la remonter en amont aux heures creuses. Chaque barrage garderait en outre la quasi-totalité de sa capacité pour les besoins hydrauliques estivaux.
 
D’autres solutions faisant davantage appel aux ENR dont la Corse dispose en abondance sont aussi disponibles, mais leur utilisation accrue provoquerait une baisse de perception de  la très lucrative TIPP. L’état du réseau de distribution confine d’ailleurs la part ENR à 100 MW, bien en deçà d’un tiers souhaitable pour un trépied équilibré.
 
De plus, ainsi que le souligne le rapport LETEURTOIS de 2005, EDF n’est pas motivée pour investir en Corse du fait de conditions de rémunération des capitaux, jugées trop faibles. SEI le serait-elle davantage?
 
Il le faudra, car il est évidemment  plus rentable d’investir sur les équipements, que de plomber les finances de la collectivité avec des charges de fonctionnement, en prévision de l’inévitable suppression de la CSPE, la charge du service public de l’électricité, puisque la notion de service public à la française est dans le collimateur de l’UE, et qu’avec elle disparaîtra très probablement la péréquation tarifaire.
 
Ce qui est en balance ? Les intérêts de la Corse, la santé de sa population et la préservation de son environnement, en butte à des intérêts financiers, nichés ailleurs.
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13 réflexions sur « Corse: modèle environnemental où l’on peut polluer plus, pour gagner plus. »

  1. A propos des STEP, sur le continent un certain nombre de stations sont remises en service ainsi que la transformation d’usine de turbinage en pompage turbinage.
    En Corse, alors que cela serait possible sur les ouvrages en construction comme le Rizzanese on ne l’a pas envisagé.
    Tout comme on n’a fait aucune étude sur les ouvrages existants EDF de Sampolo, du Prunelli ou de Calacuccia.
    En équipant simplement dans l’ordre ces 3 sites, avec un investissement d’environ 100 Mâ?¬, soit à peu près la moitié du Rizzanese, on devrait pouvoir produire plus d’énergie que le futur Rizzanèse.
    Les retenues existent, les deuxièmes bassins aussi, il ne reste qu’a équiper pour le pompage.
    Il semble bien que ce ne soit pas la priorité, c’est le fioul, pour EDF Corse, ou alors les ingénieurs envoyés sur l’ile sont trop fortement formatés.
    Espérons que l’OEHC, prenne en compte cette possibilité dans les études pour le barrage du Cavu.

  2. Bonjour Corneille de Tolla,

    Votre analyse est toujours pertinente.

    Vous devriez postuler pour directeur de SEI , vous n’aurez aucun mal à rivaliser. Parait qu’il annonce à ses agents que le Vazzio ira jusqu’en 2013, et qu’après l’arlésienne arrivera! Droit dans ses bottes, bien formaté.

    Et vous devriez aussi vous présenter aux prochaines territoriales, car vos arguments sont bien plus convaincants ceux des actuels locataires de l’assemblée.

  3. Oui corneille, nicolas à raison, soit l’assemblée rentre dans le rang et évite à la corse ce nouveau désastre écologique en optant notamment pour d’autres énergies que le fioul , soit nous nous rejoindrons tous spontanément pour les combattre et pourquoi pas une liste de véritables écologistes aux éléctions régionales! A ce moment là les enjeux seront clairement posées et le peuple lui même sera devant ses responsabilités et ses choix.

  4. Billet d’humeur bonjour,

    Faire campagne contre ceux qui, alors qu’ils sont aux commandes, bafouent la démocratie et campent sur des positions intenables néfastes à notre santé et à notre environnement est dans nos objectifs.

    Par contre, ARIA LINDA n’a pas encore mené de réflexion sur l’éventualité de la démarche politique que vous évoquez. Nous misons avant tout sur la victoire du bon sens. A défaut, la fin justifiant les moyens ……

  5. Très bien nicolas, mais pour que le peuple puisse de nouveau avoir confiance, on ne peut pas faire du neuf avec des vieux politicards, il faut présenter des candidats nouveaux, des hommes et des femmes neufs, non contaminés par des luttes politiciennes passées. Des gens de convictions pour qui l’écologie n’est pas le nouveau moyen du dernier petit malin pour se refaire une virginité politique du style "coucou, c’est moi avant j’étais blanc, puis au grè de mes intérêts je suis devenu gris et maintenant je suis autre chose écologiste de circonstance par exemple, alors je vais vous faire marron". Ca on a déja donné….

  6. Certes,

    Mais en Corse, à chaque élection le peuple réélit avec une constance infaillible les vieux politicards, et même d’autres moins vieux, mais beaucoup plus imbibés.

    Et au lendemain de chaque élection, chacun individu jure qu’il n’a voté pour les tâches que le peuple a reconduit aux manettes. Et quand les têches sont réunies, elles accouchent des chimères qu’elles ne reconnaissent même pas!

    D’ailleurs, si on en croit l’homme de la rue, il n’a pas voté pour le nain de jardin mégalo que la Corse , très zélée, a porté au pouvoir au plus haut niveau avec un score bien plus élevé que le reste de l’hexagone.

    Alors, il faudrait vous y coller tout de suite! Il y a du boulot pour essayer de changer cet atavisme!

  7. A coeur vaillant rien d’impossible nicolas, ou comme le dit plus simplement cette chanson dont j’ai intreprété différemment le message " se no tiremu tutti inseme"……cela mettrait un terme à bien des dynasties.Alors à quand une liste de jeunes, compétents et surtout sincères protecteurs de l’environnement?

  8. Oui, effectivement, on peut donner plusieurs sens à ce titre!

    Tiens, vous qui êtes jeune, compétente et sincère protectrice de l’environnement, serez vous candidate?

  9. La Corse 1 er juillet 2008. Article de la C.G.T:
    Brandissant le spectre de la peur, la C.G.T., réclame la tenue rapide d’un conseil énergétique ,et conclue son article en prétendant qu’il faut confirmer la construction de deux centrales et le raccordement au gazoduc en argumentant que nous ne pouvons être en rupture d’énergie, que nous devons conserver des emplois ce qui garantirait le developpement social , économique et industriel de notre île.
    Par ce que nous sommes des Corses vivant et travaillant, chez nous
    nous tenons autant que la C.G.T, à préserver , créer et développer l’emploi. C’est pourquoi, nous insisterons sur le fait que si nous voulons bien vivre chez nous dans les années à venir nous devons, sans précipitation et avec sérénité , définir l’espace de qualité environnemental , qui nous permettra de sauver et développer un bassin d’emploi de qualité, ou l’homme vivra en harmonie dans le cadre naturel et géographique qui lui est offert. C’est pour cela qu’il faut être clair, pas de construction de centrale thermique tant que l’on n’aura pas la certitude qu’elle fonctionneront uniquement au gaz. En ce point nous devons nous montrer intransigeants. Pour l’implantation de ces centrales, il faudra ne faudra en aucun cas les construire, dans des zones qui n’ont aucune vocation à être industrialisées. Nous pensons entre autre que le site de Bastélicaccia, ne se prête, en aucun cas à cette implantation et serait l’exemple même, n’en déplaise à certains, du non dévelopement de notre île. Ce site est un milieu naturel à proteger et bien plus propice au développement agricole, au tourisme rural et ou aux loisirs. Bien maîtrisé ce développement serait porteur d’emplois adaptés, sains et rémunérateurs pour la population locale. Alors, Messieurs de la C.G.T, pas de certitudes, pas de peur, mais réfléchissons tous ensemble pour que la Corse quand elle débat de sujets si importants ne le fasse pas en brandissant le spectre de la peur, qui est une forme de violence insidueuse,car elle paralyse les esprits, et empêche la réflexion qui doit se conduire dans un espace serein pour être positive et adaptée au siècle dans lequel nous vivons. Comme vous, nous voulons la lumière, et nous chercherons les meilleurs moyens pour y arriver.

  10. Bonjour Revue de Presse,

    Jâ??ai peut-être une lecture plus naïve que la votre mais il me semble quâ??au-delà de la menace éculée de la rupture énergétique, la position de la CGT dans cet article apparaît un peu plus respectueuse des intérêts de la population que ne lâ??est celle du jeune directeur de SEI.

    Et si la CGT réclame la tenue rapide dâ??un conseil énergétique, cela me paraît rejoindre un de nos objectifs, câ??est-à-dire la réouverture des débats.

    Ce qui me trouble, câ??est son idée quâ??à la suite du débat souhaité, la « première réponse » dût venir exclusivement de lâ??état!

    La collectivité a compétence en matière dâ??énergie, et elle doit assumer pleinement cette part de décision, qui est un des acquis des lois de décentralisation que la Corse a souhaité. Laissons à lâ??état ce qui lui revient, à savoir le choix dâ??un site doté dâ??une capacité à disperser les polluants loin des zones habitées.

    Dâ??autre part le débat ne peut être réduit aux seuls choix techniques exposés par la CGT qui cantonneraient les réflexions aux alternatives fuel–gaz, GALSI–pas GALSI, et doit prioritairement, intégrer les questions sanitaires et environnementales, sans faire lâ??impasse sur les solutions alternatives comme les STEP, tout en veillant à lâ??impact social.

  11. Bonjour Jean Nicolas,

    Nous apprécions la mesure de vos propos. l’ouverture des débats est nécessaire, nous en convenons. C’est pour cette raison que tout article et toute prise de position, d’où qu’elle vienne, concernant la centrale est intéressante et permet de débattre et éventuellement d’ajuster les positions. Ce débat et les propositions émises devront nourrir, la tenue à venir du conseil énergétique . Merci à ARIA LINDA et SINTINEDDA pour avoir initié ce débat.

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